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Mes années collège
À l'asile
Une rencontre
Du désintérêt
Sueurs froides

Petites histoires

Sur cette page je satisfais mon désire mégalomaniaque d'être lu par tous. Je partage des textes pas forcément de la fiction ni de la réalité. Nous sommes ici pour conter...

La brebis agoraphobe

Parquée avec quarante de ses semblables inséparables tous plus grégaires les uns que les autres, la brebis agoraphobe broute son lopin dédié, isolé. Elle se défend de toute promiscuité avec son troupeau, seul son bélier peut venir s’enquérir de ses humeurs. Les agnelets essaient bien des approches au hasard, mais, taciturne, elle les renvoie à leurs pénates.

Si les ovins se mettent à bêler à la vue du promeneur, elle reste silencieuse focalisée sur les quelques brins enfichés entre ses pattes avant. À quoi bon manger mâcher la verdure qu’il tend ? C’est idem de l’arracher par soi-même, sauf pour le badaud qui peux se vanter d’avoir servi un repas composé de trois brins d’herbes à un mouton qui foule, le jour durant, mille fois plus de chlorophylle qu’on ne lui en a servi.

Matin et soir, le berger lui rend visite. Calme et silencieux, elle accepte sa présence et ses mains sur ses pis. Elle a surtout compris qu’elle ne pouvait échapper à ses soins, mais le geste est rapide et précis, le désagrément n’en est pas vraiment un. Son border colley, se charge de l’annoncer à chacune de ses venues. Cet engin excité ne cesse de lui tourner autour. Exaspérante la manière qu’il a de trottiner aux alentours et de brailler d’une voix aigüe. Si elle n’avait les mains du paysan sur les mamelles, elle s’imaginerait bien lui expliquer ce qu’elle pense de son manège, et ce n’est pas forcément du positif.

Elle le sait, de par son isolement, elle est à la merci du loup qui pourrait rôder. Mais voilà, le prédateur peut bien l’approcher, elle ne manquera qu’à son propriétaire, peut-être au chien aussi. Pour ce qui est de ses congénères, le danger ne mérite pas qu’elle s’en approche même pour la nuit. Et puis, ça s’est déjà vu, parfois le loup est assez affamé et cupide pour s’attaquer au cœur du troupeau.

À l’arrivée des beaux jours, armé d’un béret et d’une canne, le berger l’emmène paître en altitude. Elle aime cette saison passée dans les grands espaces. Elle peut s’esseuler assez pour ne plus être incommodée par ses frères et sœurs qui donnent de la voix. Là où elle est mal à l’aise, c’est lors de la transhumance. Elle choisit la nationale quand les autres prennent l’autoroute, et ça ne plait pas à celui qui se doit de gérer le trafic. Le gendarme sous la forme d’un chien l’encercle, la presse, fait hurler ses sirènes et encaisse des coups de pattes arrières jusqu’à épuisement.

L’été sur les monts de l’Aubrac, la nourriture est riche. Elle peut ingurgiter, l’énergie nécessaire pour passer l’hiver avec les quelques mètres carrés qu’elle s’octroie. Le chemin de grande randonnée traversant le pâturage amène son lot de randonneur. Tous plus voyant les uns que les autres, ils ont tout du berger sauf le béret : des bâtons et souvent un chien. Celui-là reste dans les pas de ses maîtres. Parfois, une tante est plantée dans l’aire que de notre brebis a choisie comme mangeoire. Les campeurs sont aussi bien équipés qu’à leur domicile. Quel intérêt de s’éloigner de la civilisation pour vivre dans le confort d’une studette mansardée ? Lorsque ces moments insolites cessent, c’est le moment de rentrer dans le plaine. Le rituel est le même qu’à la monté, seule la pluie vient marquer une différence.

                Parquée avec quarante de ses semblables inséparables tous plus grégaires les uns que les autres, la brebis agoraphobe broute son lopin dédié, isolé…

Mes années collèges

Comment j’en suis arrivé là ? Tout est parti d’un coït non protégé de mes parents. On aurait, dès l’enfance, des prédispositions à la maladie. La maladie couve mais ne se développe pas, ce sont les événements de la vie, les émotions qui peuvent faire basculer du côté obscur de la force. Ce qui explique que la région Nord-Pas-de-Calais soit en pointe dans le domaine. Moi, je suis Lorrain, le Canada Dry du Ch’timi mais avec de l’alcool quand-même.  À part ça, je n’ai pas eu une enfance malheureuse. Ils me traitaient bien, me nourrissaient et me sortaient trois fois par jour. J’avais le droit de jouer à la baballe deux fois par semaine avec les copains, ils appelaient ça le football. C’était comme une crèche, ils me déposaient au stade avec une hygiène douteuse, allaient faire leurs courses et me récupéraient lavé tout propre. Quand, comme moi, tu t’inquiètes de ce que les autres pensent de toi, les sports collectifs sont faits pour toi. Sans rire, chacun de tes efforts est fait pour le bien de la collectivité et suscite une réaction immédiate. J’étais loin d’être le meilleur de l’équipe, je devais, je crois, être le seul joueur dont le président du club ne connaissait pas le nom. Même mes co-équipiers m’appelaient « Hey le quatre !!! ». Ma discrétion faisait son œuvre mais j’y trouvais mon compte.

Mes parents étaient de la classe moyenne, mon père était cheminot, ma mère travaillait dans un supermarché. Papa constamment en déplacement et maman qui travaillait du lundi au samedi avec des horaires absurdes. Autant dire que je jouissais d’une certaine liberté, malgré l’autorité de mes deux aînés de frère et sœur. C’est ce que mes psychologues successifs ont appelé un manque de repère affectif. En général, après avoir annoncé ça, ils penchent doucement la tête et font une moue qui signifie en général « oh mon pauvre ». À dix ans, j’avais déjà déménagé trois fois. On n’a changé ni de région ni même de département, mais parents se sentaient le besoin de bouger. Comme si parler à nos voisins était une étape trop importante à franchir et qu’on avait besoin de prendre du recul. Imaginez la hype quand je me suis inscrit sur copain d’avant.  Le soufflé est vite retombé avec l’ère de Facebook.

Sans gros moyens, nos parents nous ont envoyés dans un collège privé catholique. J’étais encore croyant à l’époque. Catéchisme chaque jeudi, opération bol de riz au mois d’avril. Comme si les vases communicants fonctionnaient entre Europe et Afrique. À la cantine, c’était le même topo, on était regardé de travers en cas de restes trop important sur notre plateau. Il est sûr que ce qu’on ne consommait pas aurait pu éviter la faim cinq mille kilomètres au sud. Dans ce cas, envoyez les baies de poivre vert directement en Érythrée plutôt que les mettre sur nos steaks hachés. Dans tout ça il y avait Madame Clasquin, la surveillante générale… Elle devait avoir au moins deux cent dix ans. Avec ces doigts qui singeaient les lacets de l’Alpe d’Huez, on se demandait toujours si c’était bien nous qu’elle montrait du doigt. Les profs étaient amusants, il y en avait même certains qu’on pouvait qualifier de « fun ». C’était le cas de la prof d’Allemand, qui durant toute une semaine avait imaginé faire une radio diffusée dans la cours sur la culture allemande. Là où ça devient intéressant, c’est que la petite émission se ponctuait toujours par la chanson new wave de Nena « 99 Luftballons » (https://youtu.be/La4Dcd1aUcE). On avait aussi une prof de sciences qui avait sans doute vu plus souvent la comète de Haley que sa salle de bain. On a tous eu un cours dans lequel on se lâchait, où le prof était un peu un souffre-douleur. Pour nous c’était le prof de techno, faut dire que nous faire passer 4h d’affilé avec un enseignant qui a le charisme de Oui-Oui… Entre les duels au fer à souder, les composants électroniques qui sautaient car branchés à l’envers plus ou moins sciemment, et tous les joujoux qu’on ne trouve pas dans une autre salle de cours, il y avait de quoi faire monter les décibels. Je vous passe la prof d’anglais et sa guitare, le prof de dessin qui dealait des chocolats contre des œuvres qui méritaient un 18/20 et plus, ou encore le prof de maths qui nous faisait un double doigt d’honneur dès qu’il s’agissait d’appliquer les produits en croix.  Je me moque un peu, mais si j’en parle ici c’est qu’ils ont laissé quelque chose dans ma mémoire, si ce n’est pas dans leur enseignement c’est dans leur humanité.

La cour des grands

Brillant détenteur du … brevet des collèges, j’arrive au lycée fort de mon système pileux totalement accompli. Mes vieux ayant toujours la bougeotte, nous nous sommes à nouveau établis dans ma ville de naissance puisque ma mère avait pris la gestion d’un restaurant à proximité. Je m’étais, de fait, rapprocher de ma famille plus ou moins éloignée. Je suis donc de retour tout grandi avec les déformations physiques de rigueur à l’apogée de l’adolescence. J’avais choisi une filière technique pour ma scolarité après qu’on m’a déconseillé la voie professionnelle. Je ne sais pas si les choses ont évolué mais l’atmosphère était plutôt vachement masculine. Je connaissais encore la dualité entre coolitude et bon résultats. J’étais vraiment sur la lancée du collège pendant mon année de seconde. Ayant abandonné le football quelques années plus tôt à cause de bronches trop fragiles en hiver, je m’inscris à la section volley du lycée. Bien m’en a pris, puisque j’ai, aujourd’hui, un palmarès, certes léger, dans ce sport. Je suis champion des Vosges UNSS cadet 1998. J’avais la chance d’habiter à cinq minutes à pied du lycée. Dès qu’une heure de cours se libérait, c’est la maison qui se remplissait d’ado. En période de grève des professeurs, mon argent de poche se destinait à caféiner les copains. Parfois, on se retrouvait à une dizaine, quand les mêmes heures de cours sautaient chez ma sœur et moi.

Mon cercle d’amis ne s’était pas construit au lycée, mais dans le quartier. Il s’est fondé autour d’un terrain vague où étaient plantés deux buts aux poteaux carrés en bois. Chaque soir, si le temps le permettait, on expérimentait de nouveaux dribbles, des passes impossibles et des mouvements qui oscillaient entre le génie et le ridicule. Lors de la constitution des équipes, pour la première fois de ma courte vie, j’étais un premier choix. On aimait mon abnégation malgré le caractère informel de nos parties de ballon. Je vous rassure, je n’ai jamais cassé de tibia, malgré la rugosité de mon jeu en défense. Outre le football, avec une topologie qui s’y prête, nous sortions nos VTT à l’envie. On dévalait la piste qui accueillait une manche de championnat de France de VTT de descente à tombeau ouvert, sans protection sinon un casque et avec des machines qui étaient prévues pour les balades un peu sportives. C’était une amitié solide, surtout basée sur des activités sportives (si on compte la pêche comme un sport).

Pendant mon année de seconde, deux professeurs m’ont particulièrement marqué mais pas pour les mêmes raisons. Je dois vous l’avouer, je n’ai jamais été un travailleur acharné à l’école. J’avais plutôt tendance à mettre un coup de collier quand je me trouvais au pied du mur. Vous devriez essayer, c’est stimulant. M. Demarche, professeur de physique-chimie, et Mme Schindelé, professeur de maths, étaient très exigeants, mais philosophiquement les méthodes étaient foncièrement différentes. Pour le premier, les grands travaux étaient les plus représentatifs, grands devoirs à la maison et devoirs surveillés. Avec sa barbe, son alopécie et sa nervosité, il avait tout d’un savant fou. Pour créer une saine concurrence entre les élèves, il rendait les copies en fonction des notes par ordre croissant. J’adorais ce prof, mais je devais être le seul. Même son propre frère (qui s’avère être un ami de la famille) le trouve con. Pour la seconde, tout avait une valeur, même le plus insignifiant des exercices fait chez soi. Si on avait le malheur de passer au tableau, il fallait lui présenter les exercices et une note nous était attribuée, elle était sèche et cassante avec nous. Statistiquement, j’avais dix pourcents de chance d’y passer alors mes exercices étaient faits une fois sur dix. Si bien qu’à partir du second semestre, après avoir ramassé pas mal de zéros, je n’ai plus eu à monter sur l’estrade. Cette façon de faire installait un malaise chez moi. Malgré mes encouragements à moi-même, je n’y arrivais pas j’étais comme bloqué. Pour le reste, même dans l’urgence, je mettais l’énergie nécessaire et étais appliqué. Dans mon esprit, les grands devoirs étaient la validation des savoirs, c’est la raison pour laquelle c’est dans ceux-ci que je jetais toutes mes forces. Avec ça, je suis parvenu à atteindre « l’élite », c’est ainsi qu’on me l’a vendue, la section scientifique et technique du lycée.

Un été passe et j’ai enfin choisi mon camp, cette année je serai chez les gars cools. En fait, le choix s’est imposé à moi de lui-même. On me réclamait un truc presque inconcevable pour moi : travailler. Cette année de première fut la plus folle de ma scolarité. Je n’avais jamais connu une telle ambiance entre les élèves, aucune inimitié entre les tiers, ni tête de turc, juste trois ou quatre groupes un peu plus soudés. Pour ma part, je me suis rapproché des redoublants. Plus pour leur état d’esprit que pour la connaissance du terrain. Avec eux, je connais mes premières sorties les vendredis et samedis soirs. En règle générale nous consommions de la bière, mais les jours de vaches maigres c’était un litre de blanc pêche pour le groupe, pas cher, sucré et efficace dans l’ivresse. Je n’en délaisse pas pour autant mes copains de quartier. Certains prenant des parts dans les deux groupes.

Vous aurez compris que mes notes se retrouvent amputées d’assez de points pour envisager un replay. De plus, nous sommes privés pendant plusieurs mois de professeur de Français, alors que l’épreuve de baccalauréat aura lieu en juin. Ajoutez à cela une aversion pour cette matière, voilà un cocktail détonnant. À cette époque je n’avais ouvert de livre que sous la contrainte, lire à haute voix m’était impossible. Certes, il y a le manque d’entraînement, mais je soupçonne aussi une gentille dyslexie qui, si elle s’avère, m’aura bien pourri la vie. À tel point que l’un de mes plus grands moments de solitude aura été une lecture à voix haute d’un texte littéraire, désigné d’office par le professeur de Français. Fort heureusement je tirais mon épingle du jeu en physique-chimie, dans l’enseignement technique (sauf l’électronique beurk) et dans les langues vivantes. Afin de faire un peu plus plonger mes notes, je me laisse entraîner vers le chemin des drogues douces. J’ai très vite abandonné le processus, car, à part me faire dormir en cours, je n’y trouvais pas mon compte.

Comme excuse à mes mauvais résultats, je me suis servi de mes parents et du besoin de mes bras qu’ils avaient pour faire tourner le restaurant familial. Cumulé à cela, donc, les sorties et j’avais aussi repris le football en sport scolaire quid de mon fragile système respiratoire. Je m’étais établi en tant que capitaine de l’équipe de par ma position sur le terrain, l’envie que je montrais et mes prises de parole. Je prenais ce rôle à cœur, je montrais le chemin du but lorsque mes attaquants ne trouvaient pas la faille, et défensivement j’étais le dernier rempart. J’ai donc vécu une année pleine, où j’ai dépensé énormément d’énergie sans me concentrer sur l’essentiel pour un lycéen, son bulletin de note. Pour le reste, je réussissais pas mal, des amitiés bien fondées, des résultats en sport, et au resto je récoltais assez de pourboires pour mes sorties et mes cigarettes (mais chut, personne n’est au courant). Or, cette année-là ce sera, sans doute, déroulé un événement qui conditionnera ma vie d’adulte. La sœur ma grand-tante décède sur la route avec sa petite-fille de quatorze ans sur le siège passager. C’est le début d’une vague de deuils qui touchera la famille pendant une année. Jusqu’au décès de mon Pépère, les différents trépas m’avaient, évidemment, attristé mais pas au point de me toucher dans ma chair.

Il nous a quittés le douze septembre 1999 des suites d’un cancer généralisé, à l’âge de soixante-douze ans. C’était dans les jours qui suivaient ma seconde rentrée en première. J’étais donc devenu le redoublant, un redoublant à temps partiel… Pendant l’été qui précédait, j’avais découvert ou redécouvert des cousins perdus plus ou moins de vue du fait de nos nombreux déménagements. En plus d’un cercle amical, j’avais désormais un cercle familial fort. J’avais aussi décidé de prendre une vraie licence de foot dans un club. J’avais donc encore moins de temps à consacrer à mes cours. Cette vie sociale m’a conduit à de nombreux excès, avec le recul, j’y vois les premières traces de troubles bipolaires.

Mon temps de cerveau disponible s’était vu encore réduit. De ce fait, mes résultats ne décollaient pas. On me faisait assimiler des tas de données, cependant je n’y voyais aucune finalité concrète. La seule chose que je savais, c’est que je me destinais à travailler dans l’industrie. Mais tout ça restait très flou, trop flou. L’arrivée imminente de la majorité et les responsabilités que cela représente m’oppressaient. Mes parents mettaient une certaine pression en vue de l’approche de la date fatidique. J’avançais dans une obscurité totale. À dix-huit ans et deux semaines, j’entamais ma première dépression. Plus de son, plus d’image, je ne me levais plus pour aller au lycée et végétais le jour durant, et finalement n’y suis plus jamais y retourné.

Une rencontre

            Suzanne se souvient de la cours d'un lycée de la banlieue parisienne. Elle allait devenir majeure quelques heures plus tard. Lui, racontait des blagues potaches, voire sexistes auprès de ses cinq ou six amis. On ne voyait que lui, plus grand, plus gesticulant, plus volubile et plus douteux dans son style vestimentaire. Grâce à une amie d'une amie dont le frère appartenait à ce cercle masculin, elle entra en contact avec son futur conjoint. Soudain, il perdit de sa superbe... Ses tâches de rousseur finirent par se dissimuler dans son rougissement. Elle ne souvient plus de la teneur des propos de ladite amie, puis s'en fiche. La petite discussion fraternelle touchant à sa fin, elle lança avec un certain aplomb : « Je fête mon anniversaire ce soir, ça vous dit de venir faire un tour ? ». Une salve de « Oui, pourquoi pas » s'en suivit. Une seule voix manquait à l'unisson... Puis, tout en contraste avec ce qu'il était cinq minutes plus tôt, Olivier rétorqua timidement : « il faut apporter quelque chose ? ».

            Après échange d'amabilités et de coordonnées, la bientôt adulte Suzanne repartit vers sa salle de classe fière et les pupilles fort dilatées. Les ultimes heures de cours n'en furent que plus longues. Arrivée au bout de deux heures de philo et un heure de maths qui n'auront eu aucun effet sur elle, la lycéenne rentre chez ses parents impatiente. Jamais elle n'aura essayé autant de tenues dans un laps de temps si court. Elle se vit indécise jusqu'à l'arrivée de Éva, là en avance. Ensemble, elles optèrent pour le style écolière de Britney Spears dans le clip de « Baby one more time ». Le costume n'était pas très fidèle, mais l'idée générale était bien là. Ses cheveux méditerranéens pris dans des couettes derrière chaque oreille, gloss aussi brillant que les pensées de Blaise Pascal, un débardeur pourpre profond cachant ses hanches disgracieuses à ses yeux, chemise blanche nouée sous son quatre-vingt dix C, jupe plissée noire qui met en valeur des fesses plus gracieuses celles-ci, des bas de  football blancs en guise de longues chaussettes et des ballerines bleues marines aux pieds faisaient la blague.

            Les invités arrivaient un à un, tous chargés de présents et de boissons. L'ambiance montait crescendo, pourtant Suzanne n'était pas à son aise. Elle était remplie d'espoirs et de doutes. La fête se trouvait déjà bien entamée quand son grand rouquin fit son apparition. La chose vestimentaire ne faisait vraiment pas partie de ses aptitudes. Elle se moquait mais au fond s'en moquait aussi.

            Cette arrivée marqua, pour elle, le début de la fête. C'était une fête de post-ados pré-adultes. Les sujets de conversations sont aussi variés que l'aura du prof de philosophie, les auréoles sous les aisselles de la prof de sciences de la vie et de la terre ou encore Sylvie qui l'avait fait sans protection et qui se vit prescrir la pilule du lendemain. L'alcool en surnombre laisse augurer quelques morts au champs d'honneur un peu plus tard dans la soirée. On n'était pas venu ici pour un menu gastronomique. Suzanne l'avait compris et proposait toute sorte de chips, classiques, à la moutarde à l'ancienne, au paprika,  au fromage et même au vinaigre (beurk). Plus tard, les sucreries feraient leur apparition. Évidemment à cet âge les goûts musicaux incertains sont pardonnés. Un disc jockey de sa connaissance s'occupait de ce pan de soirée. La gente féminine semble plus persuasive quand il s'agit de faire diffuser son morceau préféré.

            Les invités de dernière minute ont élu domicile près du pack de bière, qui était désormais à température ambiante. Mais à dix-sept ans, on s'accommode facilement de ce genre de désagréments. Olivier se présentait définitivement comme la pipelette du groupe. Plus la soirée avançait, plus les cadavres s'amoncelaient autour des nouveaux amis de notre hôte, plus la voix d'Olivier portait dans la pièce et plus son pied droit battait la mesure. Cette assurance croissante ne manqua pas d'être repérée pas celle qui l'accueillait.

            Voyant leur isolement, Suzanne enjoignit ses amies d'aller tenir compagnie aux garçons. Est-ce par ce qu'elle était la maîtresse de maison ou pour ne pas la contrarier ce jour-là ? Le fait est que les copines obtempérèrent. La nouvelle adulte regardait d'un œil amusé les coqs de classe de première tenter de séduire de futures étudiantes totalement hermétiques à leur numéro de charme pas encore rôdé. Dans sa logique de grande gueule, Olivier ne se gênait pas pour déstabiliser d'avantage ses amis qui n'avaient pas baisser les armes pour autant. Tout ce petit monde finit par converser, rire et danser ensemble sur des rythmes à plus de cent battement par minute.

            Suzanne avala d'un trait son verre de manzana, et se dirigea vers l'invité aux cheveux cuivrés.

 - Olivier, c'est ça ?

 - Soi-même !

 - ...

 - Fallait me dire que c'était une soirée costumée.

 - Parce que tu n'es pas déguisé, là ?

            Olivier a semblé ne pas saisir le trait d'humour. Puis ajouta mal à l'aise : « Si Angus Young avait une sœur, elle aurait sans doute choisi d'arborer ce style ». À ce moment la référence échappait totalement à Suzanne. Après une explication qui la fit voyager d'Australie au Royaume-Uni sans escale, elle comprit que dans sa bouche c'était un compliment voire une tentative de séduction. L'arrivée d'un gâteau chocolat-framboise les interrompit dans leurs préliminaires verbaux.

            S'en suivit le traditionnel soufflage de bougies. Il était temps de maculer le sol de papier-cadeau. La jeune femme à été gâtée. Elle ouvrit plus de paquets que la pièce ne comptait de têtes. Un seul aura retenu son attention, un kitchissime bol breton peint à la main qui ne portait même pas son prénom. Celui-là elle aurait du mal à s'en séparer. Premièrement car la probabilité de pouvoir le transmettre à un certain Émile sera quasi nulle, ensuite car il venait du grand dadais duquel elle venait de faire la connaissance. Sous les regards moqueurs de l'assistance, Olivier se fit plus écarlate qu'une voiture de sport. De maladresse en maladresse c'est son cœur qu'il était en train de conquérir. Après qu'elle a montré aux hôtes ses présents telle une présentatrice de télé-achat, elle commande auprès du disc jockey une salve de slows « mais pas trop cucul ».

            Les enceintes donnèrent à entendre les chansons amoureuses du répertoire rock. C'était le bon moment, il allait aimer cette série s'est-elle dit dans son for intérieur. Effectivement, il ne se contentait plus de battre la mesure, il était devenu champion international de air guitar catégorie cheveux courts. Sans détour elle l'emmena sur la piste de danse. Toutes les cavalières ou presque avaient trouvé leurs cavaliers, approximativement jusqu'à la fin de la deuxième chanson. Finalement, Suzanne et son champion sont les seuls survivants au jeu des chaises musicales sans chaise. Leurs regards se croisèrent puis s'évitèrent, les mains du valeureux Olivier glissèrent délicatement des hanches vers le haut de la jupe plissée. Tout le monde n'avait d'yeux que pour eux. C'était Aerosmith qui se faisait entendre, « I don't want to miss a thing ». Suzanne adore ce morceau il lui fait penser au film Armageddon.

 - Quel Film ? Répond Olivier en la questionnant.

            Suzanne ne savait pas s'il était sérieux ou non. Dans les deux cas, c'était la réponse qu'il fallait formuler. Elle tira brusquement sur son grand cou, fit descendre sa tête d'un étage est l'embrassa goulûment. Quelqu'un a ouvert de champagne à ce moment précis. Mais rien ne pouvait séparer les lèvres enfiévrées, pas même les « ah » ou les « oh » des spectateurs. On eut le temps de remplir les flûtes que Bernard et Bianca étaient toujours aimantés. Certes ils ne s'exécutaient pas dans les règles de l'art, on sentait une gaucherie latente dans ce baiser, mais pour eux le moment était hors norme. Il régnait une osmose supérieure à la moyenne entre ces deux là.

Du désintérêt...

Sur la plume de l’oie tel un effluve humide
Vous vous vîtes désarmée, rendue aux Hespérides
La clé vous n’aviez, pour mon cœur épanouir
Moi je me refusais sans jamais vous haïr

De mon émoi curieuse et de mes mots avide
Vous rendîtes mon désir et mon for moins aride
À petit, sans y voir, je finis par m’ouvrir
Ses assauts assassins, sans cesser me saisirent

Je l’avoue j’ai fondu, sans vouloir vous céder
Me désintéresser, j’étais donc résolu
Agité morfondu, mon tracas s’est fondé

Ce présent beau reçu, mon esprit s’est vendu
Je l’ouvris sans y croire, vous me vîmes chapardé
Tous mes yeux s’écarquillent, face à ce divin cul

Sueurs froides

SueursFroides

Tachycardie, hypertension, hypersudation, fébrilité et d'autres symptômes s'emparent de lui. Tomber malade en un instant lui parut saugrenu. Pourtant les faits sont là. Il n'y a pas une minute, il était en aussi bonne santé que Lance Armstrong en rémission et grimpant le Galibier.
Revenons en arrière d'un cours laps de temps. Il s'apprête à monter dans la rame de métro. Il se demande s'il s'agit d'un tramway ou d'un métro. Je ne crois pas qu'une telle question cause de tels effets, à part peut-être pour un urbaniste spécialisé dans les systèmes ferroviaires extrêmement tatillon.
Il y a là, le jeune métalleux et son t-shirt Def Leppard. Ce dernier est innocent dans l'affaire qui nous intéresse. Avec ses cheveux aussi gras qu'un confit de canard, tout ce qu'il peut transmettre c'est la grippe aviaire. 
Jean-Marc, 38 ans, deux enfants et un poisson rouge qu'il ne peut plus nourrir à sa faim car le gouvernement opprime les plus pauvres et que son RSA ne permet pas d'offrir une qualité de vie décente à Larousse. Voilà ce qu'il exprime à très haute voix, tendant un goblet Starbuck qui ne lui appartient pas, puisqu'au nom de Noemie (sans accent). Celui-ci, non plus, ne semble pas coupable.
Il y a madame tailleur-chignon, oreillette vissée à la portugaise gauche, laptop sur les genoux comme son nom l'indique. Un genre de DRH croisé avec Super Nanny, elle doit prendre des antibiotiques après chaque lavage de main après la miction. Un antiseptique à elle seule, elle peut pas avoir contaminé notre homme à l'article du malaise vagal.
L'étau se resserre sur une lectrice de Daniel Penac, "le hamac et le dictateur". Assise en tailleur, sur un strapontin pas du tout prévu à cette fin, elle porte une jupe dessinée par Desigual ou par son fils de trois ou quatre ans. C'était elle la responsable de ce mal subit. Ce regard furtif échangé avait détraqué notre homme. Il avait attrapé un coup de cœur.

            La porte s'ouvre puis claque aussi vite. Trop épuisé pour entrouvrir un œil, je ne lutte pas... Des volets roulants qui ne sont pas les miens s'ouvrent à un mètre de moi. De l'autre côté de ma couche ce que j'assimile à une infirmière actionne le bouton des stores. C'est quoi de cette chambre aussi fraîche qu'une rock star qui aurait passé la quarantaine. Entre les différentes ecchymoses jonchant le mur, on devine une tapisserie entre blanc délavé et gris dépassé. Je me sens comme un astronaute dans une centrifugeuse, l'infirmière est son bouton s'échappent à droite, puis à gauche. Là, ce sont trois nouveaux personnels hospitaliers qui débarquent autour de mon lit. Pourquoi trois ? Ils ne sont équipés que d'un tensiomètre. Ils se présentent tour à tour. Dans quel but ? À part la plus petite de la bande, je n'ai pas l'intention de les revoir. Eux me connaissaient déjà, semblait-il, au moins mon patronyme. Malgré l'étau enserrant mes tempes, je dois mener l'enquête. J'imagine me trouver dans l'aile Ouest d'un hôpital, celle qui n'a pas encore été rénovée. Mais pourquoi ? Comment ? Il y a quelques heures encore, ma femme me quittait pour personne et j'avais même un flacon d'haldol en main.

            Non, je n'ai pas fait ça ? La plus mignonne me signifie que si. Pas le temps d'en savoir plus, ils m'ont pris ma pénombre, ma tension et quatre tubes de mon sang, et quittent la pièce d'un pas bien rangé. D'un effort surhumain, je tente de m'extirper de mon drap qui en a décidé autrement. D'une prise de judo pas très légale, il m'envoie au tapis. Je prends la mesure de mon état quand il s'agit de me m'ériger. C'est plusieurs minutes qu'il me faut pour me dresser avec le stricte nécessaire de fierté. Ça tourne, ça gire, ça révolutionne et ça donne envie de vomir. Vite, se recoucher. Dans le lit c'est la valse. Je n'ai pas le temps de compter les quatre temps impartis que me voilà en compagnie de Morphée. Mais comme si j'étais puni, Morphée rejette mon âme et accepte mon corps. Je peux l'apercevoir se corps inerte, et la sensation de houle se fait de plus en plus puissante au point que je me demande si je vais y rester. Et je ne déconne pas, je sens mes organes se faire la malle un par un, comme si ma carte de donneur d'organe se déchirait par à-coups.

            On me coupe de cette sensation mortelle. Un mec qui, à pas grand chose près, aurait pu être grand pousse la porte, il est suivi d'un autre mec, qui, s'il avait été plus petit, n'aurait pas été grand. À cet instant je connais précisément la définition de léthargie. Les chasses s'ouvrent péniblement. Ces messieurs se sont équipés de chaises, j'ai dans l'idée qu'il vont vouloir me faire avouer ce que je ne me souviens pas avoir fait. On se présente, on s'échange des nouvelles de la famille, des photos de vacances, pas pu l'inviter à la maison il est intolérant au gluten... Puis le médecin, c'est ainsi qu'il s'est présenté, me récite la fiche qu'il a sous les yeux. J’acquiesce abondamment. Tout y est, bipolaire, le traitement, l'allergie au paracétamol, les vaccins pas à jour et même ma séparation de la veille. C'est fou ce que la presse people est diablement efficace. Après ce questionnaire, il ose demander comment je me sens. Je lui raconte ma partie de Dr Maboul précédent son irruption dans la pièce. J'avais mal compris la question, comment je me sens en ce moment dans ma vie. J'ouvre si grand les yeux que mes paupières repoussent les limites de mes arcades sourcilières. Le petit chauve vient de me débiter tout mon pedigree, connais jusqu'à mon code de carte bleue et me demande se qui me chagrine. Je récite à le virgule près le curriculum qu'il vient de passé en revu : bipolaire, sans emploi, perdu ma sœur, quitté par ma femme. Dois-je avouer la perte de mon Tamagoshi en janvier mille neuf cent quatre-vingt dix huit ? « Je vois ! » il me lance. Enfin, il me pose des questions plus précises, de quoi sont faites mes journées, si je prends régulièrement mon traitement... Il note le tout dans un bloc-note avec une écriture que l'état actuel de mes neurones ne me permet pas de déchiffrer. Il énumère à l'infirmier en civil les molécules à m'administrer, une liste à forte connotation anxiolytique. Cet entrevue a largement entamé mes forces.

            Quand je m'apprête à regagner le sommeil, on me fait signe que non. Nous allons à la découverte du service psychiatrie du centre hospitalier. Je dois sortir de la chambre mais y laisser ma dignité puis que je ne suis couvert que d'une blouse fendue. À part une manière de m'humilier, je ne saisis pas le sens de cette visite. J'aurais facilement deviné que là où trône fièrement un écran plat, c'est la salle télé, que les bouquins sont dans la bibliothèque et que le local avec des gens qui ont le même couturier est le bureau des infirmiers. À cet endroit, j'apprends que ma femme m'a apporté des vêtements dans la nuit. De retour dans la turne dix huit, l'infirmier déballe le contenu du sac, sans vraiment de soin. Tel un chien policier à la recherche de drogue, il frétille du regard quand il met la main sur ma trousse de toilette. Il éjecte de celle-ci rasoir, déodorant et mousse à rasé. Pour le rasoir, je suis apte à comprendre, mais le reste c'est plutôt flou. Les forces me manquent pour poser une question dont la réponse me sera abstraite. J'assimile les heures des repas. Et d'ailleurs, il est quelle heure ? On m'apprend qu'il est bientôt l'heure de dîner. Et je finis par poser la question dont la réponse fait peur : qu'est-ce qu'il s'est passé ?

            Comme sus-mentionné, ma femme est partie. Repassée plus tard pour prendre quelques affaires, elle m'avait retrouvé au sol, la bouteille d'haldol vide en main. Les secours auront aussi retrouvé deux bouteilles de vin et des plaquettes de médicament vide. Ma première réaction est de me demander comment j'ai pu me louper avec tout ça. Bon je suis toujours là, on va voir quel genre de sursis on me propose.

            Enfin habillé décemment, je rejoints la salle de réfectoire. Où vais-je m'asseoir ? Une mamie au toupet vrillé me fait des signes... Je continue à observer. J'ai choix dans le voisin de table, une jeune très mince mutique et agitée, le papy rondouillard qui parle fort et dont le verbe est plus que confus. Je finis par trouver une table de trentenaires ou à peu près. Je dois retenir cinq noms et numéros de chambre. Mes capacités intellectuelles actuelles ne me permettent que de retenir Célia chambre deux et Bertrand chambre dix sept (mon voisin). Au niveau des pathologie, on a deux schizophrènes, deux bipolaires et un dépressif. Je me présente alors, réponds poliment à la curiosité de mes camarades et essaie vainement de suivre les conversations. Je ne sais qui s'est fait dessus cet après-midi, tel autre ne veux pas partager la télécommande. Le tout est entrecouper des cris de la mutique, en fait pas si mutique. Le personnel distribue les doses prescrites. Et la porteuse de perruque s'enquière de si elle bien eu ses cachets toutes les minutes jusqu'à ce que les tables soient plus propre que la salle de bain de Mr Propre.

            Seul sur mon lit, je débriefe toutes les nouvelles informations qu'il me faut ingurgiter. Mon cerveau encore endolori ne me permet pas de réfléchir plus de quelques minutes. Il y a un truc qui me manque, mais quoi ? Après un effort intense, je me souviens que je suis accro à la nicotine. Pourvu qu'elle y ait pensé... Peut-être dans une poche cachée du sac... Toujours pas. Après une fouille minutieuse, il faut se rendre à l'évidence, elle a oublié de glisser du tabac dans dans mes affaires. Ça fait plus de trente heures que je en ai pas grillé une, j'ai besoin de fumer. Je vais devoir taxer mes colocataires de fortune. Je me rends donc à l'espace fumeur du service. Fort heureusement je n'ai pas eu à essuyer de refus. Bertrand me dépanne de bon cœur et m'assure que je peux le déranger, je lui rendrais la pareille le moment venu. C'est là le meilleur moment de la journée.

            À nouveau seul dans la chambre dix huit, je ne cherche plus à cogiter. Je décide de m'endormir et j'y parviens, jusqu'à ce qu'une blouse blanche se pointe et me tende mon téléphone et deux paquets de cigarettes.

  • Vos parents viennent de déposer ça pour vous.

  • Je peux les voir ?

  • Les visites se font de quatorze à dix sept heures trente.

  • Et on a droit au portable ?

  • Oui.

            Et elle s'en retourne. Quelle froideur, je la situe entre le camion frigorifique et la proie d'un trappeur. Qu'importe, j'ai enfin connu un peu de joie dans cette journée carrément bizarre. D'abord, les biens apportés vont m'être utile ici. Puis, on pense à moi à l'extérieur. Cependant, je ne sais pas quel retentissement aura mon geste sur la famille.

            Le temps de brancher mon téléphone et de le faire jouer quelques morceaux de musique, on frappe à ma porte. Enfin quelqu'un de civilisé dans ce service. Planté devant ma porte un jeune adulte me tend une main fébrile. Je la lui serre. Il marmonne qu'il s'appelle Sylvain (ou Sylvère) et qu'il habite Saint Après. Je n'ai pas le temps de m'introduire qu'il a déjà parcouru les trois mètres qui mènent à ma salle de bain. Il m'annonce qu'il a la même chambre et fait le chemin retour sans que je puisse dire un mot.

            Je retourne sur le pieu las. « Surtout reste patient, ils sont malades. Ce n'est pas de leur faute. » C'est la réflexion que je me faisais. Cette fois, je profite de la musique. Mais, même pas une chanson plus tard, je devine le crissement d'une paire de crocs sur le linoleum du couloir. C'est encore pour moi. « Traitement de la nuit ! » s'écrie la mignonne infirmière. Je devine en lisant sur sa blouse qu'elle a pour prénom Émilie. Un somnifère plus tard, je sombre dans un sommeil profond.

À l'asile

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